Elèves, étudiants, salariés, indépendants : tous en télétravail ?

L'Ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail expose en Titre III des mesures pour "Favoriser le recours au télétravail". Soft Power du 29 octobre 2017 en débat avec Jérôme Chemin et Xavier De Mazenod sous l'intitulé "Télétravail, auto - entrepreneuriat, comment le numérique transforme le travail ?". Frédéric Martel et ses invités y évoquent le télétravail et sa mise en œuvre, ses qualités tant du point de vue de l'employeur, que de celui du télétravailleur, qu'il soit salarié ou auto-entrepreneur.

Les modalités du télétravail s'assouplissent

On a déjà évoqué l'indigence des modalités d'application du télétravail à la fonction publique : accord hiérarchique préalable; trois jours maximum par semaine et jours désignés, durée d'application de l'accord; lieu possible d'application; contrôle dudit télétravail; frais pour le télétravailleur. Un texte assez dissuasif qui montre bien la défiance de l'employeur vis-à-vis de l'ardeur à la tâche de ses employés. Avec l'ordonnance de 2017, les modalités du télétravail évoluent : son caractère occasionnel devient possible tout comme il devient un droit (l'employeur devant justifier son refus de l'exécution de tâches par télétravail), et le télétravail pouvant être exécuté dans un tiers lieu.

L'intérêt de l'employeur et de l'employé ou de l'indépendant pour le télétravail s'accroît

Les qualités du télétravail ont déjà été évoquées. Le débat de Soft Power rappelle les apports du télétravail comme l'autonomie dans la réalisation d'une tâche rémunérée, l'affranchissement du lieu de travail. Et aussi que le télétravail permet de faire peser des frais sur le télétravailleur ! L'enjeu de l'immobilier et de ses frais et coûts n'est pas non plus pour rien dans l'intérêt qu'il peut susciter chez les employeurs. La confiance du management envers le télétravailleur est primordiale, notamment pour éviter que le reporting de la tâche ne mobilise le télétravailleur plus que l'exécution de sa tâche elle-même. Par ailleurs, contrairement à une idée répandue, le télétravail n'isole pas : un télétravailleur est volontaire et n'est pas abandonné chez lui avec notamment la possibilité de tiers-lieu de "co-working". Enfin, le télétravailleur travaille plus car il y consacre en général plus de temps à ses missions, qu'il n'en gagne en évitant des trajets vers le lieu de travail.

Les MOOC et le télétravail des élèves et des étudiants

Un article du Monde, bêtement intitulé "Les MOOC font pschitt", ressert le sempiternel coup de la révolution MOOC qui finalement n'en serait pas une, et évoque l'éclatement de la bulle MOOC. Mais les MOOC sont-ils ou ont-ils au moins été une bulle ? Les arguments cités par l'article sont plus instructifs que le titre. On y lit notamment que les MOOC pourraient recentrer le rôle de l’enseignant sur le débat, la pensée critique, et les questions que se posent les étudiants comme dans la classe inversée ou les SPOC. L’université Paris-Nanterre réfléchit à intégrer des MOOC dans plusieurs cursus, mais sans violenter la communauté universitaire dit son président. Car, comme en convient l'auteur de l'article, "les MOOC ont eu le mérite d’ébranler les convictions pédagogiques et de créer du débat sur les pratiques des enseignants". Certains enseignants y voient même l'occasion d'adopter une démarche qualité des enseignements. La réticence de certains enseignants vis-à-vis des MOOC paraît d'ailleurs contradictoires quand eux-mêmes exigent de leurs apprenants du travail à la maison (on appelle télétravail "home working") ou dans un tiers-lieu (e.g. bibliothèque) et quand les MOOC peuvent aussi être un complément apprécié par l'apprenant. M. Aebischer, président de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, cité notamment ici et là, rendait d'ailleurs compte d'enquêtes auprès d'élèves qui indiquent préférer le présentiel, mais désertent salles et amphithéâtres !

Le télétravail de l'élève et de l'étudiant comme outil d'optimisation des universités et écoles

M. Pierre Laffitte lançait la création des campus d'Evry, Fontainebleau et Sophia-Antipolis en parlant du besoin en mètres carrés de l'école des Mines de Paris, il y a environ 50 ans. Aujourd'hui, le numérique transforme les réponses aux besoins d'une école ou d'une université qui veut se développer sans en passer nécessairement par des mètres carrés ou des postes d'enseignants supplémentaires, ou optimiser ses dépenses. Le télétravail de l'apprenant est aussi un moyen de diminuer l'impact environnemental en réduisant les trajets des élèves ou des enseignants qui sont souvent le poste principal d'émission de gaz à effet de serre (e.g. décompte mené pour des l'ESSTIN et SPEIT).

Et demain, tous en télétravail ?

Les écoles ou universités françaises retardent ou refusent les MOOC en arguant qu'ils ne sont pas une panacée, ce qu'ils ne prétendent pas être. On comprend mieux les pincettes que prend le président de Paris-Nanterre ou le refus en 2013 du conseil d'administration de l'ESSTIN (maintenant Polytech Nancy) de se doter d'un parcours en MOOC. En effet, outre les arguments pédagogiques qui ont souvent bon dos, les MOOC sont, pour les enseignants, une concurrence par des enseignants ayant un autre statut. La concurrence permise par le télétravail était aussi évoquée dans le débat de Soft Power. Avec le cas du salarié en télétravail tenté de changer de statut en se mettant à son compte, ou le cas d'une société employant un télétravailleur tentée de l'externaliser et de le payer à la tâche. Les MOOC sont d'ailleurs un moyen pour les futures générations de s'adapter à ces formes de travail. Un des intervenants du débat de Soft Power cite en conclusion une étude estimant que "50% de la masse salariale sera non salariée" aux USA en 2030.

In fine

Les dernières estimations du réchauffement climatique qui pourrait allègrement dépasser les visées de la COP21 sont aussi l'occasion de rappeler quelques mérites écologiques du télétravail.

arnaud delebarre

1er novembre 2017