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On a déjà traité de la baisse du coût de certaines technologies de production d'électricité et que, dans ce sens, la loi du marché pourrait jouer en faveur du climat en privilégiant des technologies moins onéreuses et parmi les plus propres. Mais on peut lire au contraire que le marché tire le climat dans le mauvais sens, dans une interview, du chef (M. Fatih Birol) de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) au Financial Time «New Asian coal plants knock climate goals off course». 

Le charbon mettrait de l'eau dans le gaz et dans le climat

Le chef de l’AIE y déplore d'abord la mise en service de nouvelles centrales au charbon en Asie car cela "bloque" les émissions. En effet, étant donné la longévité des investissements dans le domaine de l’énergie, les centrales à charbon, qui ont 42 ans en moyenne en Europe et aux USA et approchent de leur fin de vie, ont 11 ans d’âge moyen en Asie et risquent donc de fonctionner encore pendant des décennies. Le chiffre qui est cité dans l'article de 2 000 GW (vs 1 400 GW indiqué en légende de la photo de l'article) de puissance installée en Asie amalgame les centrales charbon existantes et celles dites en construction, ce qui ne permet pas de faire la démonstration de la réalité du titre. De plus, un peu plus loin il est écrit que le taux d’investissement dans la construction de nouvelles centrales au charbon a baissé l’an dernier. Donner les évolutions de l'existant et des créations eut été plus adapté

La capture de CO2 pour préserver les énergies fossiles ?

Mais ce qu’oublie son dirigeant, c’est que l’AIE prétend dans ses études, que les objectifs de la COP21 peuvent être atteints notamment par une contribution importante de la capture du carbone (14% des 31 Gtonnes de réduction des émissions pour atteindre le scénario 2DS). Pourtant fin 2017, les 21 installations de capture et stockage du CO2 ne représentaient que 37 Mégatonnes par an (Mtpa) de CO2 dans le monde (moins de 1% des émissions), quand il en faudrait 100 fois plus, 3 800 Mtpa, en 2040. Car de même que les temps de vie des investissements sont longs, les temps d’émergence de nouvelles technologies le sont tout autant. Et l’objectif fixé pour 2040 semble actuellement assez optimiste. De plus, le rôle important espéré dans la capture du CO2, donne un alibi pour continuer avec les énergies fossiles, quelles qu’elles soient. Ce qui permet par exemple au PDG deTOTAL de se décerner un auto-satisfecit (comme à la dernière Climate Week) en disant qu’il quitte le charbon, tout en continuant avec le pétrole, et en se tournant vers le gaz, tout en comptant sur le capture (et la séquestration) du CO2. C’est toujours la technique du « on trouvera bien une solution ».

La consommation dicte sa loi au climat

Les données fournies par l'AIE elle-même - Keyworld Statistics 2018 sorties le 19 septembre 2018 - qui illustrent ce billet, montrent bien que, d'une part l'offre d'énergie primaire (6 101 millions de tonnes équivalent pétrole en 1973; 13 761 en 2016) s'est fortement accrue et que, d'autre part, les trois fossiles gaz, pétrole, charbon ont perdu un peu de parts par rapport aux autres, de 86,7% à 81,1% de l'énergie primaire mondiale. Mais une fraction, même légèrement décroissante, d'une quantité qui a plus que doublé, donne ici une augmentation. Pour ce qui est de l'électricité, toujours selon l'AIE, la production quadruple de 6 131 TWh (75,2% issus du charbon, pétrole et gaz) en 1973 à 24 973 TWh (65,3% issus du charbon, gaz et pétrole) en 2016. Les variations entre 1973 et 2016 de la part des sources d'électricité sont ici plus franches : nette diminution du pétrole et sensible baisse de l'hydroélectricité; mais nette augmentation des renouvelables hors hydro-électricité, du gaz naturel et du nucléaire. Dans le contexte d'augmentation de la consommation, M. Birol rappelle qu'obtenir le pic des émissions de CO2 (qui ont encore cru en 2017) était un point crucial de l'accord de Paris de la COP21. Mais il constate aussi que cet objectif devient éminemment "challenging", pour ne pas dire hors de portée, car, dit-il, la consommation de l'énergie va à l'opposé des objectifs climatiques. 

 

Avec un marché qui, bien que poussé par une consommation d'énergie croissante, pourrait néanmoins s'orienter vers des technologies de production propres et meilleur marché, il est donc difficile de savoir si le climat et l'objectif 2DS peuvent être sauvés. D'autant que les marchés de l'énergie et des technologies de l'énergie ne sont pas seuls à faire la loi. D'autres arguments peuvent amener un pays à défendre des filières énergétiques existantes, comme par exemple la sauvegarde d'emplois, ou la connexion avec l'industrie de la défense, ou encore le maintien d'un savoir faire technologique.

 

arnaud delebarre

3 novembre 2018

Tag(s) : #2DS, #Changement climatique, #Charbon, #Climate Change, #CO2, #COP21, #Energie, #Eolien, #Gaz, #Nucléaire, #Réchauffement, #Solaire, #AIE, #IEA, #Electricité, #Renouvelable, #EnR
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