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La publication d'ici la fin du mois par le gouvernement de la PPE (programmation pluriannuelle de l'énergie) ravive les éternels débats et éternelles fake news sur l'énergie, avec des propos en contradiction avec des données pourtant peu difficiles à obtenir par les intervieweurs et les interviewés. Propos tenus par des acteurs plus ou moins compétents, ou plus ou moins bien informés, médiatisés par des journalistes n'ayant guère potassé leur sujet ou accepté par des rédactions et éditeurs peu critiques sur les contributions qu'ils valident.
Certains utilisent des sources de données fiables
La tribune dans Alternatives Economiques (3 octobre), "Non,le nucléaire ne sauvera pas le climat", a suscité quelquesréponses ici ou là. Le Figaro Live invite le 5 octobre Jean-Marc Jancovici comme "grand témoin" (un témoin ne saurait être que grand*), avec le titre "Sortir du nucléaire ne fait rien pour le climat"** et une interview "papier" dans le Figaro daté du 6 octobre. Dans ces cas de ces tribunes ou entretiens, on trouve l'utilisation de bases de données et de statistiques reconnues comme celles de BP (Statistical Review), ou de l'Agence Internationale de l'Energie (Key World Energy Statistics), ou encore du World Nuclear Industry Status Report (WNISR), ou le Power Reactor System Information, ou la Banque Mondiale et ses statistiques. A titre d'exemple, le graphique illustrant ce billet est dû à J.-M. Jancovici qui a précisé qu'il a retravaillé les données provenant de sources dont certaines citées ci-dessus.
D'autres se contentent de contre-vérités ou de souvenirs de fake news
Plus tard, Laurent Alexandre commet un papier dans l'Express : Fermer Fessenheim va mécaniquement tuer des européens (texte partiel accessible sur le site de l'Express différent du texte de l'Express daté 21 novembre attaché au tweet de @ericvidalenc)***. Ce 22 novembre matin, Pierre Laurent est interviewé sur France Inter, et notamment sur sa position sur le nucléaire. Chez P. Laurent et L. Alexandre, on a droit à deux contre-vérités. Le premier évoque une "explosion" du charbon en Allemagne (vers 1h38 de l'émission de France Inter); le second écrit que "les chiffres allemands seraient encore plus catastrophiques sans les massives exportations d'électricité nucléaire française à très faible contenu de CO2 qui les améliorent artificiellement". Deux affirmations aux termes sensationnels, mais fausses : le charbon ne monte pas en Allemagne malgré sa sortie progressive du nucléaire, et l'exportation nette d'électricité allemande est supérieure à celle de la France : en 2016 elle était de 53,7 TWh pour l'Allemagne et de 39,1 TWh pour la France; en 2017, 55 TWh et 38 TWh dans le même ordre (pages 58 et 59 du WNISR2018).
Affirmer n'importe quoi ou non ?
Le premier papier de ce blog qui date déjà de 2013 portait sur le livre (plus ancien encore) "Turning numbers into knowledge" qui montre comment tirer de la signification à partir de data. Yves Cochet et J.-M. Jancovici donnent une co-interview ce 21 novembre sur LCI sur les questions de climat. Jean-Marc Jancovici suggère en fin d'entretien à tout un chacun "Documentez-vous" qui paraît frappée au coin du bon sens pour faire le tri entre faits et actes de foi qui émaillent les débats énergétiques. Aller chercher de l'information de qualité auprès d'organisations produisant des données fiables. D'ailleurs, certains commentaires de l'interview de J.-M. Jancovici sur Youtube sont plutôt étayés****, comme si lecteurs, auditeurs, ou spectateurs étaient effectivement documentés !
arnaud delebarre
23 novembre 2018
* Les grands témoins sont des personnalités discutées, plutôt à la retraite, et parfois peu au courant, pas toujours compétents quand ils étaient aux affaires, et pas grandis comme grands témoins. On en trouvera ici et là quelques exemples mémorables.
** Commentaire de Jean-Marc Jancovici sur cet interview : "Le Figaro m'a proposé de venir parler d'énergie, et nous avons parlé... de nucléaire ! Je précise que je ne contrôle jamais les questions (pas plus que n'importe quel interviewé dans le journal), mais qu'il n'est pas question de ne pas répondre une fois que la question est posée. Tous ceux qui vont penser que j'y suis allé avant tout pour faire la promotion du nucléaire sont donc priés d'écrire à la rédaction du journal pour demander pourquoi ça concentre l'essentiel du temps de l'interview :-)"
*** Antoine Guillou a retweeté @ericvidalenc: "Ce qui est formidable avec l'énergie, c'est le nombre de gens qui parviennent à raconter n'importe quoi sans rougir. Avec deux catégories : ceux qui n'y connaissent rien, et ceux qui s'y connaissaient il y a 20 ans, mais n'ont jamais réfléchi de nouveau depuis."
**** Un exemple de commentaire faisant suite à l'interview de Jean-Marc Jancovici "La contrainte qui rend nécessaire le remplacement progressif des centrales nucléaires est le vieillissement de ces centrales et le fait qu'elles ont toutes été construites dans un temps très court. Evidement il faut en prolonger pour la question du climat tout en regardant le coût, mais les prolonger toutes c'est suicidaire on va se retrouver en 2035 avec presque 40 GW qui auront dépassé de 10 ans la date limite et qu'il faudra changer en un temps trop court alors qu'aujourd'hui on met 20 ans à construire Flamanville. Tout cela est bien connu des gens qui réfléchissent sérieusement au système électrique (voir p71 du bilan prévisionnel de RTE https://www.rte-france.com/sites/default/files/bp2017_complet_vf.pdf) c'était même une des raisons pour l'histoire des 50% en 2025 (ce qui je suis d'accord était trop rapide) : 50% en 2025 signifiait fermer les centrales de plus de 40 ans c'est aussi simple que çà. Il est à noter que le carénage a un cout non négligeable. Après il faut étudier la solution de remplacement je suis d'accord avec EPR ou EnR à discuter, mais cette vidéo ne parle ni de l'un ni de l'autre. [...]