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Mycle Schneider publie sur le site du World Nuclear Industry Status Report (WNISR) un état des lieux des réacteurs nucléaires de production d'électricité au 1/1/19 : "2018 for global nuclear power in a nutshell". Il résume ainsi 2018 : "9 reactor startups (8 less than scheduled), 5 closure decisions, 5 construction starts. Two new reactors entered Long-Term Outage, and 7 were restarted. Globally, 417 reactors are operating (12 more than a year ago), 49 are under construction (lowest in a decade)". On appréciera la maîtrise de la concentration d'informations dans le simple graphique conçu par le WNISR pour comparer la situation à un an d'intervalle, graphique reproduit dans ce billet.

Obsession française ou obsession d'un journaliste ?

A peu près au même moment, le numéro 60 de décembre 2018 de Reflets de la Physique de la Société Française de Physique publie "un panorama [...] des enjeux et arguments favorables et contraires à cette technologie du nucléaire civil en France". Sylvestre Huet a participé au numéro de cette revue avec l'article "La presse et le nucléaire, couple infernal" où il déplore l'état piteux des connaissances des français et l'absence de comparaison raisonnée entre le grand carénage (100 milliards) et un nouveau parc de 20 EPR à 112 Milliards avec une hypothèse d'un EPR à 5,6 Milliards soit 3500€/kW installé (quand certains constatent que la sûreté et les petites séries ne favorisent pas la décroissance des coûts). Il y dénonce aussi le journal Le Monde qui qualifie d'"obsession française" le choix d'un socle nucléaire majoritaire pour l'électricité opéré depuis 1974. Plus tard, le 18 janvier 2019, le même Sylvestre Huet peste dans "Le nucléaire, une exception technologique française" ? de son blog abrité par Le Monde, contre une des co-auteures du numéro de la revue à laquelle il a contribué. Il dénonce une ethnologue* qui ne parvient pas éviter le poncif  "cette exception technologique française". Ce qui est complètement faux, écrit M. Huet, au regard de l'évolution du monde réel. Il énonce ensuite un certain nombre de chiffres pour montrer que la production d'électricité nucléaire n'existe pas seulement en France, mais notamment aussi en Chine et aux USA.

Quelques chiffres 2018 à propos du parc électronucléaire mondial

Voici donc ci-après quelques éléments chiffrés convergents ou divergents proposés par Mycle Schneider et Sylvestre Huet sur l'état fin 2018 du parc des réacteurs nucléaires. Les divergences sont principalement dues au fait que M. Huet s'informe auprès de IAEA (Agence Internationale de l'Energie Atomique) et de son PRIS (Power Reactor Information System), quand Mycle Schneider varie ses sources d'informations et pousse l'analyse des chiffres des uns et des autres un peu plus loin.

 

1. Nombre de pays dans le monde ayant une part d’électricité nucléaire produite sur leur territoire :

 M. Schneider pour le WNISR : 31 au 1/7/2018 (stable depuis 2011 page 27 du WNISR 2018)

S. Huet : ne le mentionne pas mais aurait pu

 

2. Nombre de réacteurs de production d’électricité d’origine nucléaire en fonctionnement dans le monde au 1er janvier 2019 :

 

Divergence : l'appréciation de ce qu'est un réacteur en marche selon l'IAEA (qui maintient dans le comptage des réacteurs qui n'ont pas produit depuis plusieurs années) diffère de celle du WNSIR.

 

3. Nombre de réacteurs en fonctionnement au 1er janvier 2019 en France :

WNISR = 57

S. Huet = 58

 

Divergence : le WNISR compte depuis le 23/7/17 (Bugey-5) mais pas Palluel-2 déconnecté le 24 juillet 2018 (p. 55). S. Huet ne dit pas si ils sont tous en production.

 

4.  Nombre de réacteurs en fonctionnement au 1er janvier 2019 en Chine :

WNISR = 46

S. Huet = 46

 

Accord :  le WNISR indique 41 le 1/7/2018 (page 47) en incluant les deux connexions des 29 et 30 juin 2018 et informe qu'en octobre qu’il y a eu le 7me démarrage (https://www.worldnuclearreport.org/Eighth-Reactor-Startup-in-China-in-2018.html

 

5. Nombre de réacteurs de production d’électricité d’origine nucléaire couplés au réseau en 2018 :

WNISR = 9 = 7 en Chine et 2 en Russie

S. Huet = 9 = 7 en Chine et 2 en Russie

 

6. Nombre de réacteurs en construction au 1er janvier 2019 :

WNISR = 49

S. Huet = 53

 

Divergence :  le WNISR précise que le nombre est passé de 53 à 49.Il convient de ne pas compter en construction ceux qui ne le sont plus pour cause de mise en service ou d'abandon.

 

7. Nombre de démarrage de chantiers en 2018  :

WNISR : 5

S. Huet : 5

 

Accord : le WNISR et S. Huet comptent tous deux Hinkley Point, au sens du démarrage selon l'IAEA comme le rappelle Mycle Schneider, tandis que EDF est très discret sur ce sujet.

 

Quelques commentaires sur la situation mondiale au 1er janvier 2019

1. Le rôle de la Chine : une certaine divergence entre WNISR et S. Huet

Le WNISR commence son point au 1/1/19 par « China dominates world nuclear statistics, as in previous years. » mais conclut par «Meanwhile, CGN, the largest nuclear company in China is investing heavily in non-nuclear technologies. Even in China non-nuclear technologies are starting to dominate CGN’s capacity mix, representing now 23 GW out of 45 GW connected to the grid. »

 

2. Le rôle de la Russie : un relatif accord entre WNISR et S. Huet

WNISR : «Work on five reactors started in 2018, one each in Bangladesh, Russia, Turkey—all of which are with Russian technology and investment »

S. Huet : «Le principal exportateur de technologies nucléaire n’est pas la France, mais plutôt la Russie. Rosatom vient de signer avec l’Ouzbekistan pour un réacteur. Si la Russie construit actuellement 6 réacteurs, Rosatom a 36 réacteurs en construction ou en projets, dans le monde.»

 

arnaud delebarre

25 janvier 2019

 

*Pourtant, en ce qui concerne le passage incriminé, l'ethnologue ne fait que citer une certaine Gabrielle Hecht qui aurait montré comment la fusion des choix politique et technologique sous les auspices du CEA et d'EDF a conduit à cette exception technologique française (sic). Mais à lire la quatrième de couverture (cf ci-dessous) de l'ouvrage de G. Hecht, on comprend que ce qui est exceptionnel n'est pas le développement du parc électronucléaire français, mais plutôt la façon dont s'est façonnée la décision.

Dans Le Rayonnement de la France, Gabrielle Hecht retrace l'histoire du développement nucléaire français depuis ses débuts, en 1948, avec le réacteur Zoé. Dès le départ et tout au long de cette histoire, l'enjeu pour les décideurs politiques et les ingénieurs a été tout autant technologique que nationaliste. Au lendemain d'une Seconde Guerre mondiale dévastatrice et à l'heure des premières décolonisations, il s'agissait de montrer la « grandeur » de la France et sa « mission civilisatrice » ininterrompue son « rayonnement ». L'auteure suit les relations tourmentées entre ingénieurs et décideurs politiques ; elle analyse l'organisation du travail dans les principaux sites nucléaires ; elle plonge dans la vie quotidienne des communautés qui vivent à proximité des centrales et fait revivre les débats syndicaux et politiques qui ont secoué la France. Partout, au-delà des oppositions, son enquête retrouve la même obsession : celle de la technologie nucléaire comme composante fondamentale de l'identité nationale française.

** Dans une mise à jour du 30 janvier, Mycle Schneider revient sur le nombre de réacteurs en opération au 1er janvier 2019 : 415 et non 417 comme indiqué le 3 janvier car 7 aurait fermé en 2018 et non pas 5.

Tag(s) : #Energie, #Sylvestre Huet, #WNISR, #Mycle Schneider, #Electricité, #EDF, #IAEA, #PRIS, #Nucléaire, #EPR, #Le Monde, #France, #Chine, #Russie
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