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Iniquité des taxes ?

Une étude de la Commission Européenne propose de taxer le kérosène des avions, selon le Monde du 13 mai 2019. L’étude recommande un prélèvement de 33 centimes par litre de carburant, qui aurait pour effet de réduire de 10 % les émissions de dioxyde de carbone (CO2), selon le mécanisme simple que la hausse du prix du carburant se répercutant sur le prix des billets (environ 10 %), entraînerait une baisse de la demande de vols du même ordre. L’idée est de limiter la hausse du trafic aérien, transport très polluant au kilomètre parcouru, en dissuadant certains d’acheter des billets d’avion par un prix relevé. Des tweets reprenant cet article prouvent combien il y a approbation de cette mesure pour la défense du climat et en faveur de l’égalité avec d’autres carburants. En revanche, pas un tweet ne constate que, en augmentant le prix des billets d’avion, la diminution du trafic le devra aux plus modestes qui renonceront du fait de la hausse des prix, tandis que l'individu aisé ou l’entreprise moins contrainte acquitteront la taxe. Les plus aisés pourront donc acheter le droit de polluer selon le principe du "pollueur payeur".

Emissions de CO2 par pays et richesse produite nationale à l’échelle mondiale

Dans son édition 2019 des « chiffres clés du climat », le service de la donnée et des études statistiques du Commissariat Général au Développement Durable rappelle notamment comment les émissions de gaz à effet de serre peuvent différer par individu et les niveaux de richesse nationale des pays dans le monde. Ainsi, un nord-américain émet environ 21 tCO2eq/an, quand ce continent émet 14% des émissions mondiales ; un chinois 10 tCO2eq/an mais son pays contribue pour 25% des émissions mondiales ; un européen des 28 de l’UE est lui-aussi à 10 tCO2eq/an mais l’UE contribue pour 9%. Et le plus sobre, l’indien émet 2,5 tCO2eq/an et son pays 6% des émissions mondiales. Il en va différemment si l’on considère les émissions de CO2eq par unité de richesse produite, par $ de PIB en parité de pouvoir d’achat. C’est alors l’Afrique qui est en tête avec 1,2 kgCO2eq/$ pour 11% des rejets mondiaux de CO2, la Chine en deuxième avec 0,8 et bonne dernière l’UE avec 0,25 kgCO2eq/$ pour, on le rappelle, 9% des émissions mondiales. Un dollar produit par un pays ne pollue pas de la même manière selon les productions et la qualité de l’appareil productif du pays.

Emissions de CO2 en France de la consommation intérieure, des exportations et importations

Pour la France, le même rapport propose des données plus récentes, à la fois sur l’empreinte carbone et l’inventaire national. L’inventaire national évalue les quantités de gaz à effet de serre (GES) émises à l’intérieur du pays. Il se compose uniquement des émissions intérieures, ménages et production intérieure, y compris la production exportée. Il est de 6,6 tonnes de CO2eq par an et par français. L’empreinte carbone est elle, un calcul des GES induits par la demande intérieure du pays. Elle est constituée par les émissions directes des ménages, les émissions de la production intérieure hors exportation et les émissions importées (55 % du total de l'empreinte pour la France), c’est-à-dire, les émissions de GES qu’ont généré les produits fabriqués à l’étranger, puis importés dans le pays pour y être consommés. L'empreinte est de 10,8 tonnes CO2eq par an et par français. La figure de ce billet illustre ces données pour l’année 2014 et leur décomposition selon les postes d'émissions.

Emissions de CO2 des habitants de la France selon leur niveau de vie

Les émissions de CO2 du circuit économique », publié en 2010 à l'occasion d'un dossier sur l'économie française, rappelle que, en 2005, le chauffage et les déplacements des ménages français induisent un tiers des 410 millions de tonnes des émissions de CO2 de la France, le fonctionnement de l'appareil productif deux tiers. Puis, les auteurs de l'étude utilisent le rapport « Les inégalités des ménages dans les comptes nationaux » publié en 2009 donnant la répartition des dépenses des ménages français en 2003 selon cinq classes de 20% (quintiles) de la population de niveau de vie croissant. Ils en déduisent une répartition des émissions de CO2 selon ces quintiles et des émissions par euro de revenus. Le tableau de ce billet indique les émissions de CO2 par individu des 5 quintiles : les 20% au niveau de vie le plus modeste (Q1) émettent 3,6 tonne de CO2 par an et par individu à comparer à 9,7 pour les 20% des français de niveau de vie le plus élevé (Q5). Les 20% les moins aisés émettent 11,1% des émissions de CO2 et les 20% les plus aisés en émettent 29,3%, soit 3 fois plus. En revanche, le contenu CO2 par euro dépensé est, lui, décroissant avec le niveau de vie : de 540 kgCO2/k€ pour les moins aisés, à 420 kgCO2/k€ pour les plus riches. En effet, la part des charges, notamment de chauffage particulièrement émettrices de CO2, s'élève à 9 % du budget pour le premier quintile contre 4 % pour le dernier. À l'inverse, la part des dépenses consacrées aux loisirs, à la culture, aux hôtels, cafés et restaurants, des postes peu émetteurs de CO2, croît avec le niveau de vie (11 % pour les ménages modestes contre 18 % pour les plus aisés).

Quotas de CO2 et marchés d'échange des droits d'émissions

Comme le rappelait E. Vidalenc dans un billet de son blog, un système de quotas d'émissions tel qu'il a été mis en place pour les industriels pourrait s'imaginer à l'échelle individuelle. Chacun dispose d’un volume donné, par exemple 6 tonnes de CO2 par habitant et par an, et chaque «achat énergétique» (gaz, électricité, carburants, voyage en avion, train…) donne lieu à un décompte en fonction du contenu carbone de son budget carbone personnel. En cours de route, certains surconsomment leur budget, mobilité, chauffage, peu importe, et doivent acheter sur un marché spécifique des tonnes de CO2 à ceux qui en émettent moins, en l’occurrence les plus modestes

 

La France a souvent recours au renchérissement des dépenses de la vie courante, que ce soit en générant de nouvelles normes de sécurité, en voulant orienter la santé publique ou en taxant l'énergie pour la sauvegarde du climat. Les revenus modestes touchés par ces mesures, voient leur liberté d'arbitrage entre dépenses diminuer. Les taxes ou les dépenses contraintes ne sont pourtant pas le seul moyen pour défendre le climat, pour établir une sobriété et un impact individuel environnemental moindre, et sont beaucoup moins équitables que les quotas que la France ignore pour l'instant.

 

arnaud delebarre

6 juin 2019

Tag(s) : #Energie, #CO2, #Empreinte Carbone, #Carbone, #Quota, #Taxe, #Emissions, #Changement climatique
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