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Audrey Garric tweet que "Berlin a développé fortement les énergies renouvelables pour arrêter ses réacteurs nucléaires en 2022, mais les centrales à charbon continuent de tourner à plein régime." Mes tweets sont en poils de yak, écrit Audrey Garric, qui transmet un article écrit par Nabil Wakim titré "En Allemagne, la sortie rapide du nucléaire freine la réduction des émissions". Passons en revue le titre et quelques uns des arguments évoqués au début de cet article (accessible seulement aux abonnés), qui sans être de l'ordre des fake news, ressemblent parfois à des fantasmes.

Peut-on qualifier la sortie en Allemagne du nucléaire de rapide ?

L'Allemagne a décidé juste après Fukushima de fermer ses plus vieilles centrales nucléaires, c'est-à-dire huit (8) de ses dix-sept (17) en service et de prolonger l'étalement des fermetures jusqu'à fin 2022 (cf Table 3 du World Nuclear Industry Status Report, p. 68). Onze ans pour sortir du nucléaire : peut-on parler de sortie rapide du nucléaire ? Rapide, pour la qualifier de désorganisée, alors qu'elle semble assez pondérée sur des critères fondés, notamment l'âge de ses réacteurs ? Rapide comparée à la procrastination et aux tergiversations françaises ?

Le mythe des champions industriels !

L'article du monde cite J-M Jancovici : «l’Allemagne n’a pas diminué de manière notable la facture de ses importations d’énergie ni diminué ses émissions de CO2, a fragilisé son réseau électrique, et il n’est pas certain que cela ait permis de créer des champions industriels pérennes». Il faut entendre M. Aghion dans sa leçon inaugurale au Collège de France analyser la politique industrielle et la création de champions nationaux comme lors des trente glorieuses, et énoncer ses défauts, pour voir que le colbertisme a vécu comme mode d'action économique "pérenne". Mais il est également vrai que les champions industriels peuvent exister sans avoir été initiés par une politique. Faut-il imaginer que la citation fait allusion à EDF ou Areva-Orano, mais de là, à les qualifier de champions... Est-ce à cause de nos champions, pas toujours pérennes, qu'on est moins rapide en France qu'en Allemagne !

Export et import d'énergie ou d'électricité ?

Quant à la "facture de ses importations d'énergie", il n'est pas clair si cela concerne seulement l'électricité étant donné le rappel en gras sous lequel cette citation se situe. Si cela concerne l'électricité, il est faux de dire de l'Allemagne qu'elle l'importe. Elle a une exportation nette de 53,7 TWh en 2016, contre 39.1 TWh pour la France, et de 55 TWh en 2017 contre 38 TWh pour la France (p. 67 du WNISR 2018).

35% seulement de l'électricité provient du charbon contre 38% des renouvelables

Ce titre de paragraphe est une reformulation des dires du journaliste du Monde qui n'hésite pas à écrire en gras "plus de 35% de l'électricité provient de centrales à charbon". Voire ! Les huit réacteurs nucléaires allemands en activité en 2017 ont généré 72,2 TWh nets en 2017, soit 11,6% de la production d’électricité de l’Allemagne. Les énergies renouvelables ont contribué à hauteur de 218 TWh (+15%) de la production d’électricité, trois fois plus que l’énergie nucléaire. La production d'électricité par le charbon a diminué de 17,5% et par le lignite de 1,4%, tandis que celle par le gaz a augmenté de 6,4%. Les énergies renouvelables ont été le plus gros contributeur au mix énergétique et fourni 36,2% de la production brute, plus que le lignite (23,1%), le charbon (17,2%) ou le gaz naturel (12,4%). Il serait peut-être plus judicieux de s'intéresser à la progression de l'électricité fossile produite avec le gaz ! Les chiffres 2018 disponibles semblent confirmer ceux de 2017, avec une baisse à 22,5 % et 12,8 % pour lignite et charbon, soit 35,3% de la production brute d'électricité de 598,9 TWh et 38,2 % pour les renouvelables en hausse de 5,7 % (page 9).

Emissions de CO2  en diminution ou non ?

Là aussi de quoi parle-t-on ? Des émissions de CO2 de la production d'électricité en Allemagne ? Le graphique du haut de la figure qui illustre ce billet montre les émissions allemandes de CO2 qui décroissent globalement avec cependant une stagnation autour de 2015 (p. 27 du lien). Les émissions qui ne diminuent guère, voire qui augmentent, sont celles liées au transport (Verkehr). Il en va autrement de la production d'électricité (graphique du bas). On voit les émissions de CO2 dues au lignite (Braunkohle) et au charbon (Steinkohle) diminuer et celle du gaz naturel (Erdgas) augmenter (p. 28). Le mix énergétique allemand se décarbone régulièrement avec maintenant 472 gCO2/kWh.

 

Bref quelques lignes d'article et quelques approximations, à deux ou trois poils de yak près !

 

arnaud delebarre

2 février 2019

Tag(s) : #Allemagne, #Electricité, #Energie, #Energiewende, #Transition énergétique, #Charbon, #Lignite, #Renouvelable, #Nucléaire, #CO2
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