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"Pour une renaissance européenne" déclare E. Macron, en abordant trois volets : (i) Défendre notre liberté; (ii) Protéger notre continent; (iii) Retrouver l’esprit de progrès. Le premier volet comporte beaucoup de mesures de répression et d'interdiction de la liberté d'expression, bien entendu pour de bonnes raisons. Le second volet s'attarde sur la protection par l'hermétisme des frontières vis-à-vis des personnes et par la préférence des produits européens. Le dernier volet aborde notamment la question environnementale : "0 carbone en 2050, division par deux des pesticides en 2025". E. Macron militerait donc pour un progrès environnemental ?

 

Qui a lu le rapport du GIEC ?

Un rapport a été commandé par la COP21 (accord de Paris de la 21e Conference Of Parties) au Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC ou IPCC en anglais). Le GIEC a effectivement publié en octobre 2018 un rapport destiné aux décideurs sur la faisabilité d'un réchauffement de 1,5°C tel que souhaité par la COP21 et sur les moyens d'y parvenir. B. Montagne a demandé à des députés luxembourgeois "Qui a lu ce rapport ?",  et a trouvé bien peu de lecteurs de ce rapport pourtant abordable. On peut évidemment se poser la même question pour les décideurs politiques et les dirigeants des entreprises en France. Ont-ils lu ce rapport ? Ont-ils réellement l'envie et l'ambition de faire quelque chose ? Dirigeants et décideurs mesurent mal leur inaction, tout en se persuadant que la population ne veut pas de lutte contre le réchauffement, ou qu'ils ont pris des mesures suffisantes.

 

Que dit le rapport du GIEC ?

B. Montagne qui interpelle les députés parle d'un rapport de 32 pages. En fait ce PDF de 32 pages ne nécessite de lire que 20 pages puisque l'introduction est en page 10/32 et que les dernières conclusions sont en page 29/32. Pour faire encore plus court que le rapport du GIEC, trop long pour les députés luxembourgeois, le lecteur de ce billet trouvera ci-dessous* une traduction en français des quatre séries de conclusions de ce rapport. Et pour faire plus court encore, on peut retenir parmi elles trois conclusions particulièrement fortes de ce rapport du GIEC pour les décideurs où l'on peut voir la différence entre ce qu'il conviendrait de faire et notre niveau d'émissions :

- (1) les activités humaines ont provoqué un réchauffement de la planète d'environ 1,0 °C par rapport aux niveaux préindustriels, avec une fourchette probable de 0,8 °C à 1,2 °C. Le réchauffement planétaire devrait atteindre 1,5 °C entre 2030 et 2052 s'il continue à ce rythme (conclusion A1 page 4/33 et Figure 6/33).

- (2) les voies d’un réchauffement climatique limité à 1,5 °C prévoient le retrait de dioxyde de carbone de l'ordre de 100 à 1000 GtCO2 (Gt=Gigatonne) au cours du 21ème siècle. Actuellement, on émet annuellement environ 40 Gt de CO2 (Figure page 6/33 du rapport). Le retrait serait utilisé pour compenser les émissions résiduelles et, dans la plupart des cas, obtenir des émissions négatives nettes afin de ramener le réchauffement planétaire à 1,5 °C après un pic (conclusion C3 page 23/33).

- (3) les contributions nationales des parties de l'Accord de Paris entraîneraient des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2030 de 52 à 58 GtCO2eq par an. Ces "engagements" ne limiteront donc pas le réchauffement climatique à 1,5 °C, même si elles étaient complétées ensuite par des réductions d'émissions drastiques, très difficiles en ampleur et en ambition, après 2030. Il ne sera possible d'éviter le dépassement et le déploiement à grande échelle de l'élimination du dioxyde de carbone (CDR), que si les émissions mondiales de CO2 diminuent bien avant 2030 (conclusion D1 page 24/33).

 

Que disent d'autres études ?

A l'occasion de la publication d'une infographie sur une étude sur des mesures à envisager pour tenter d'atteindre l'objectif des 1,5°C, Novethic vient de faire l'expérience d'une campagne de critiques qui montre qu'en matière de climat, crier contre le messager et/ou ne rien faire, sont encore des modes d'(in)action très partagés. Il faut dire que l'étude B&L, qui se base sur le rapport du GIEC déjà cité, propose, pour rester sous 1,5°C de réchauffement, des actions capables d'effrayer les décideurs de tout poil. Pour la France : baisse de 63% des émissions de CO2 avec 10,7 tonne équivalent CO2 par habitant en 2017 à 3,7 en 2030 et des mesures contraignantes sur (1) la mobilité terrestre, (2) le résidentiel, (3) les biens et services, (4) le transport aérien et (5) l'alimentation. L'illustration de ce billet résume l'étude B&L à l'aide de l'infographie réalisée par Novethic, les mesures qui pourraient être mises en oeuvre. 

 

Que fait E. Macron ?

Lorsque l'on mesure l'ambition de l'objectif d'un réchauffement maintenu sous 1,5°C, les propositions des décideurs politiques ou d'entreprises paraissent insuffisantes. Utiliser les protestations actuelles d'une partie de la population contre sa paupérisation pour dire que la population ne veut pas de contraintes financières pour limiter le réchauffement, ou prétendre qu'il ne faut rien entreprendre tant que ce n'est pas partagé entre plusieurs nations, sont les moyens actuels pour faire trop peu, politiques comme entreprises

 

arnaud delebarre

5 mars 2019

 

* Ci-dessous les 4 groupes de conclusions du rapport du GIEC d'octobre 2018 à l'attention des "policymakers" (décideurs politiques) traduites en français et légèrement adaptées (source ici).

A. Comprendre le réchauffement climatique de 1,5 °C

On estime que les activités humaines ont provoqué un réchauffement de la planète d'environ 1,0 °C par rapport aux niveaux préindustriels, avec une fourchette probable de 0,8 °C à 1,2 °C. Le réchauffement planétaire devrait atteindre 1,5 °C entre 2030 et 2052 s'il continue à ce rythme.

Le réchauffement provoqué par les émissions anthropiques de la période préindustrielle à nos jours persistera pendant des siècles, voire des millénaires, et continuera d’entraîner de nouveaux changements à long terme du système climatique, tels que l’élévation du niveau de la mer, avec des impacts associés.

Les risques liés au climat pour les systèmes naturels et humains sont plus élevés pour un réchauffement planétaire de 1,5 °C qu’aujourd’hui, mais inférieurs à 2 °C. Ces risques dépendent de l’ampleur et du taux de réchauffement, de la localisation géographique, des niveaux de développement et de vulnérabilité, ainsi que des choix et de la mise en œuvre des options d’adaptation et d’atténuation.

B. Changements climatiques prévus, impacts potentiels et risques associés

Les modèles climatiques prévoient des différences robustes dans les caractéristiques climatiques régionales entre le réchauffement actuel et le réchauffement planétaire de 1,5 °C et entre 1,5 °C et 2 °C. Ces différences incluent les augmentations de : la température moyenne dans la plupart des régions terrestres et océaniques, des températures extrêmes dans la plupart des régions habitées, de fortes précipitations dans plusieurs régions et la probabilité de sécheresse et un déficit de précipitations dans certaines régions.

D'ici 2100, l'élévation moyenne du niveau de la mer à l'échelle mondiale devrait être inférieure d'environ 0,1 mètre, avec un réchauffement de 1,5 °C par rapport à 2 °C. Le niveau de la mer continuera à monter bien au-delà de 2100. L'ampleur et le taux de cette augmentation dépendent des futures voies d'émission.

Sur terre, les impacts sur la biodiversité et les écosystèmes, y compris la perte et l'extinction d'espèces, devraient être inférieurs à un réchauffement de la planète de 1,5 °C par rapport à 2 °C. En limitant le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport à 2 °C, il est prévu de réduire les impacts sur les écosystèmes terrestres, d'eau douce et côtiers et de conserver davantage de services rendus à l'homme.

Limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport à 2 °C devrait réduire les augmentations de la température de l'océan, ainsi que l'augmentation correspondante de l'acidité de l'océan et la diminution du niveau d'oxygène dans l'océan. En conséquence, la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C devrait réduire les risques pour la biodiversité marine, les pêcheries et les écosystèmes, ainsi que leurs fonctions et services pour l'homme, comme l'illustrent les récents changements apportés aux écosystèmes de récifs coralliens de glace arctique et d'eaux chaudes.

Les risques liés au climat pour la santé, les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, l'approvisionnement en eau, la sécurité humaine et la croissance économique devraient augmenter avec le réchauffement climatique de 1,5 °C et augmenter à nouveau de 2 °C.

La plupart des besoins d'adaptation seront moins importants pour un réchauffement de la planète de 1,5 °C par rapport à 2 °C. Il existe un large éventail d'options d'adaptation permettant de réduire les risques de changement climatique. L'adaptation et la capacité d'adaptation de certains systèmes humains et naturels sont limitées à un réchauffement planétaire de 1,5 °C, avec des pertes associées. Le nombre et la disponibilité des options d’adaptation varient selon les secteurs.

C. Voies compatibles avec un réchauffement planétaire de 1,5°C

Dans les voies modélisées avec un dépassement limité à 1,5 °C, les émissions mondiales nettes de CO2 anthropiques diminuent d’environ 45% par rapport aux niveaux de 2010 d’ici 2030 pour atteindre zéro autour de 2050. Pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2 °C, les émissions de CO2 devraient diminuer d’environ 20% d’ici 2030 sur la plupart des voies de pénétration et atteindre un zéro net vers 2075.

Les voies limitant le réchauffement planétaire à 1,5 °C nécessiteraient des transitions rapides et profondes en énergie, terre, ville et infrastructures (y compris les transports et les bâtiments), et systèmes industriels. Ces transitions de systèmes sont sans précédent en termes d'échelle, mais pas nécessairement en termes de rapidité, et impliquent des réductions d'émissions importantes dans tous les secteurs, un vaste portefeuille d'options d'atténuation et une augmentation significative des investissements dans ces options.

Toutes les voies qui limitent le réchauffement climatique à 1,5 °C prévoient le retrait [ou élimination après capture] de dioxyde de carbone (CDR=Carbon Dioxide Removal) de l'ordre de 100 à 1000 GtCO2 au cours du 21ème siècle. Le retrait serait utilisé pour compenser les émissions résiduelles et, dans la plupart des cas, obtenir des émissions négatives nettes afin de ramener le réchauffement planétaire à 1,5 °C après un pic. Le déploiement du retrait du CO2 de plusieurs centaines de GtCO2 est soumis à de multiples contraintes de faisabilité et de durabilité. Des réductions d'émissions importantes à court terme et des mesures visant à réduire la demande en énergie et en terres peuvent limiter le déploiement du retrait à quelques centaines de GtCO2 sans recourir à la bioénergie avec captage et stockage du carbone (BECCS).

D. Renforcement de la riposte mondiale dans le contexte du développement durable et des efforts pour éliminer la pauvreté

Les estimations des effets sur les émissions au niveau mondial des ambitions d'atténuation énoncées au niveau national, telles que présentées dans l'Accord de Paris, entraîneraient des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2030 de 52 à 58 GtCO2eq par an. Les voies reflétant ces ambitions ne limiteraient pas le réchauffement climatique à 1,5 °C, même si elles étaient complétées par des augmentations très difficiles de l'ampleur et de l'ambition des réductions d'émissions après 2030. Il ne sera possible d'éviter le dépassement et le déploiement futur à grande échelle de l'élimination du dioxyde de carbone (CDR) que si les émissions mondiales de CO2 commencent à diminuer bien avant 2030.

Les impacts évités du changement climatique sur le développement durable, l'éradication de la pauvreté et la réduction des inégalités seraient plus importants si le réchauffement de la planète était limité à 1,5 °C au lieu de 2 °C, si les synergies d'atténuation et d'adaptation étaient maximisées tout en minimisant les compromis.

Les options d’adaptation spécifiques aux contextes nationaux, si elles sont soigneusement sélectionnées et assorties de conditions propices, auront des avantages pour le développement durable et la réduction de la pauvreté avec le réchauffement planétaire de 1,5 °C, bien que des compromis soient possibles.

Les options d'atténuation compatibles avec les trajectoires à 1,5 °C sont associées à de multiples synergies et compromis entre les objectifs de développement durable. Bien que le nombre total de synergies possibles dépasse le nombre de compromis, leur effet net dépendra du rythme et de l'ampleur des changements, de la composition du portefeuille d'atténuation et de la gestion de la transition.

Limiter les risques liés au réchauffement planétaire de 1,5 °C dans le contexte du développement durable et de l'éradication de la pauvreté implique des transitions qui peuvent être rendues possibles par une augmentation des investissements dans l'adaptation et l'atténuation, des instruments politiques, l'accélération de l'innovation technologique et des changements de comportement.

Le développement durable soutient et permet souvent les transitions et transformations fondamentales de la société et des systèmes permettant de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. Ces changements facilitent la recherche de voies de développement résilientes au changement climatique qui permettent d'atteindre des objectifs ambitieux d'atténuation et d'adaptation parallèlement à l'éradication de la pauvreté et aux efforts visant à réduire les inégalités.

Le renforcement des capacités d'action sur le climat des autorités nationales et sous-nationales, de la société civile, du secteur privé, des peuples autochtones et des communautés locales peut soutenir la mise en œuvre d'actions ambitieuses impliquées en limitant le réchauffement climatique à 1,5 °C. La coopération internationale peut créer un environnement propice à la réalisation de cet objectif dans tous les pays et pour tous les peuples, dans le contexte du développement durable. La coopération internationale est un catalyseur essentiel pour les pays en développement et les régions vulnérables.

Tag(s) : #Changement climatique, #Climate Change, #Macron, #Energie, #Energiewende, #GIEC, #IPCC, #1.5°C, #COP21, #Entreprise, #CO2, #Novethic, #Rapport
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